Dodefondo dans le Dévoluy


Mark me dit en rentrant de son vol de lundi soir : "Tu sais, c'est bizarre, ça fait 35 ans que je fais le même sport, mais à 56 ans, je progresse encore ! Je n'ai pris que de bonnes décisions et j'ai volé plus vite que d'habitude." A ma façon, je peux presque en dire autant. A 51 ans, ça fait plus de 20 ans que je fais de l'endurance, et je progresse encore.

De mon côté, il ne s'agit pas de vitesse : c'est même complètement l'inverse.  Je cultive la lenteur pour courir plus longtemps. Et du point de vue de la satisfaction personnelle, c'est un énorme progrès. Je ne cours ni ne randonne : je rando-course. C'est-à-dire que je trottine dès que je peux (plat, descentes), et je marche dès que ça monte. Avec les arrêts compris, ma vitesse est en général de 4,5 km/h. Bien loin des 6 km/h requis sur la plupart des trails ! En fin de parcours, je ne suis pas épuisée ni courbatue et je termine en bon état physique et mental. Pour toutes ces raisons, je considère que cette adaptation est un progrès qui m'ouvre des perspectives sur des parcours plus longs.

Retour sur ma course
Mardi 15 août, le réveil est réglé sur 5h30. Une bise à Mark et je pars pour une heure de route vers Lus-la-Croix-Haute. C'est un endroit un peu spécial pour moi car enfant, j'y ai fait toutes mes colonies de vacances (avec la ville de Salon-de-Provence où j'ai vécu pendant 4 ans). C'est là où je n'ai pas appris à faire du ski (dernière de la classe avec seulement un flocon alors que tous les autres obtenaient l'étoile ce qui m'a dégoutée pour la vie...) et d'où je n'ai pas rapporté des souvenirs très joyeux.

J'y arrive ce matin avec mes yeux d'enfants et je cherche des souvenirs visuels que je ne retrouve pas. Ce joli village avec à ses pieds une large plaine herbeuse est aux contreforts des montagnes du Dévoluy dans lesquelles je vais pénétrer via le Col des Aiguilles.

Le col des Aiguilles au loin, il est 7 heures du matin
J'ai prévu de faire un tour des crêtes nord du Dévoluy par le col des Aiguilles vers le col de Festre puis retourner à Lus par le col du Charnier, soit 45 kilomètres : parfait pour mon défi du Dodefondo du mois d'août (un 42 à pied ou un 200 à vélo par mois).


J'emmène une carte IGN qui couvre partiellement l'itinéraire et mon GPS qui n'a pas de système de guidage mais une flèche "retour" calée sur le point de départ.  Cet équipement ne m'est pas d'une grande aide pour trouver mon chemin et je tourne dans Lus à la recherche du GR vers la Jarjatte. Une fois sur l'itinéraire, je constate qu'il va non seulement beaucoup me dévier du but, mais surtout que c'est la forêt vierge là-dedans ! J'y passe une heure et j'en ressors les jambes bien griffées.

Je me reconcentre sur l'objectif en arrivant à la Jarjatte mais là, nouvelle errance à la recherche de mon sentier de randonnée... Je vois des gens se préparer à la marche sur le parking et j'aurais mieux fait de les suivre... Je tourne en rond, je monte, pour redescendre : il faut dire que je n'ai pas beaucoup de chance. Soit les arbres sur lesquels les marques rouge-blanc du GR ont été coupés, soit le torrent qu'on doit traverser a emporté le chemin. En tout cas, les randonneurs du parking m'ont déjà rejointe et dépassée deux fois.

Enfin on est en vue du col de Aiguilles (2003m), et je monte régulièrement avec bientôt le soleil dans les yeux. C'est un vrai beau col comme une porte de pierre.

Mes randonneurs du parking sont là aussi, nous parlons un peu de nos itinéraires respectifs puis je descends vers le Col de Festre. Au bout d'un moment, j'entends de grands cris, ce sont mes anges gardiens qui me font de grands gestes : je me suis trompée de chemin et je pars sur le flanc est au lieu de descendre... Je parie que ces deux-là n'ont pas parié un kopeck sur la possibilité que je boucle mon circuit !!

Il faut absolument que je me concentre sur mon itinéraire. Jusqu'au col de Festre tout va bien : je connais ce coin par coeur pour y avoir souvent fait des raquettes avec Mark, mais aussi parce qu'en 2015 j'avais organisé ici le week-end Kikourou avec des joies et aussi un drame pendant le Trail des Aiguilles, le dimanche matin, avec la mort d'un concurrent d'une crise cardiaque. J'ai une grosse pensée pour lui en passant près de l'endroit de l'accident.

Je refais de l'eau au col et je repars vers Lachaup par les sentiers. Peu après, celui-ci monte perpendiculairement vers le Col des Charniers. C'est absolument magnifique et calme. Personne ! Un choucas posé sur son bord attire mon attention sur un aven à quelques mètres du sentier. Je ne sais pas quelle est sa profondeur, mais on imagine bien que, couvert de neige, il serait facile d'y chuter...
D'ici je devine ma destination : le col du Charnier



Dans la montée du col du Charnier, j'admire les grands espaces peuplés aujourd'hui de deux chevaux et d'un berger qui me salue depuis sa cabane. Enfin, voici le col à 2102 mètres. Encore une porte minérale de toute beauté !
Le col du Charnier et la Jarjatte en bas
J'ai une trentaine de kilomètres au compteur, et je pense qu'il ne me reste que de la descente... c'est parti dans le sentier en pierrier, très malcommode. Passé le lac du Lauzon, et le col d'Auzias, je contemple les grandes crêtes herbeuses qui n'attendent que moi... J'ai mon itinéraire bien en mémoire mais ma carte IGN s'arrête ici.
Il faut que je passe au point le plus haut de cette crête...

sans aller dans la forêt...
Mais j'ai beau suivre le marquage GR jaune, j'ai du louper une information car je me retrouve assez rapidement dans la forêt en direction du Trièves (Tréminis). Encore de l'inattention, je n'aurais jamais du descendre si bas à 1500m... Maintenant, ma flèche "retour voiture" m'indique 7 km mais au dessus de cette crête à 2000 m, je ne vois pas de chemin et je suis complètement à sec (j'ai emporté 2,5 litres et repris un peu d'eau à Festre). Alors je monte à flanc sur des sentiers vachers. Je vise d'abord un troupeau (berger ?) puis des quads (trop rapides) et enfin je vois des randonneurs ! Je mets toute mon énergie à les rattraper dans une pente à 25 %. Heureusement ils sont en mode balade, mais moi je suis boostée par l'adrénaline. Les ayant rejoints, je peux enfin consulter une carte et trouver mon chemin vers Lus, à 8 km de là.

Finalement tout s'est passé comme prévu mais il m'a manqué un GPS de guidage qui m'aurait épargné quelques incertitudes et surtout des inquiétudes sur la fin. Je crois que je ne sortirais plus sans à l'avenir...

Total : 45,6 km, 2185m de dénivelé positif, 9h36 de course... et Dodefondo n°5 validé !!
Voici ma trace sur Strava

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