Voyage en Sicile

La Sicile est notre destination cet hiver : envie de confort, de soleil et de beaux paysages où faire du vélo. D'excellentes prévisions météo pour la quinzaine de Noël et 2 places dans un ferry qui pourrait être affrêté par Ryan-Mer balayent nos dernières hésitations : nous embarquons avec le Kangoo, 4 vélos et de quoi faire à manger.


Jour 0
C'est comme une vraie croisière la traversée Livorgno-Palerme : 20 heures dans une superbe cabine à la proue du navire, on se croirait dans Titanic (mais ça finit mieux ...). La Sicile hyper touristique brade les prix en décembre nous permettant des hébergements à moitié prix ! La formule en appartement pour 2 ou 3 nuits est vraiment économique dans ces conditions surtout si on aime se faire à manger : ah les produits siciliens méritent vraiment le détour ! Nous avons rarement aussi bien mangé et bu tant d'excellents vins.


Jour 1
Premières impressions : 5 millions d'habitants, ça fait du monde sur la côte ! En revanche, passé une bande urbaine de quelques kilomètres, au-delà c'est complètement désert. Notre première sortie vélo est catastrophique mais on rigole bien : nous quittons l'appartement où nous venons de nous installer vers 14h pour 85 km dans l'intérieur de l'île. Des circonstances particulières nous retardent : les routes sont défoncées (une crevaison), voire totalement abandonnées, la carte routière est complètement fausse, la nuit tombe à 17h, et il n'y a pas de plat ! ... C'est dans le noir total que nous parcourons les derniers kilomètres, sans aucun éclairage, planqués dans le fossé dès qu'une voiture arrive. 
Jour 2
Il y a quelques cols routiers dans l'intérieur des terres, mais aussi des BIG du challenge du même nom (un BIG est un site d'intérêt en altitude à gravir en vélo, il y en a 1000 qui sont principalement situés en Europe, j'en ai grimpé 120). Parmi eux, la grimpée vers le village fortifié d'Erice à 700 m d'altitude sur la côte nord ouest. Jolie grimpette et paysages époustouflants sur la grande bleue...
Jour 3
La journée suivante sera plus sage : pas de vélo mais de la randonnée dans la première réserve naturelle de Sicile : Zingaro. Pour la petite histoire, dans les années 60, les habitants des lieux se sont révoltés et ont manifesté contre la construction d'une route. Comme ils ont eu raison : à part les embouchures de rivières, c'est le dernier morceau de côte vierge... Nous sommes seuls dans ce paradis parcouru de plusieurs sentiers à fort dénivelé le long de la mer, il y a plein de criques désertes, l'appel de la plage de sable blanc est trop fort : en 2 secondes, nous voici nus et dans l'eau ! Ouah quel pied !



Jour 4
Journée culturelle à Sélinonte : une immense cité grecque au bord de la mer, il subsiste quelques temples et beaucoup de ruines. Une visite vraiment magique et pleine d'émotion. Dans l'après-midi, au gré d'un petit 60 km le long de la côte sud en aller-retour, nous empruntons l'itinéraire entièrement cyclable qui fait tout le sud de l'île, il y a même une longue piste en dur et en site propre sur une dizaine de km sur une ancienne voie de chemin de fer. Ca peut sembler assez normal, mais vu l'état de délabrement de la Sicile (voir ci-dessous*), c'est remarquable !
Sélinonte
Jour 5
Nous sommes maintenant complètement au sud de l'île et l'une des curiosités géologiques est Castelbellotta, village perché à 950 m sur un éperon rocheux : la montée en vélo est longue et belle parmi les oliviers, c'est un vrai plaisir malgré le temps frais. Au retour nous prenons comme le premier jour plusieurs routes fermées à la circulation : faute d'entretien et vu la dégradation ou le danger pour la circulation des  véhicules, il est plus facile de mettre un panneau fermé que de maintenir le patrimoine routier en état... Nous tentons plusieurs fois notre chance et nous passons toujours. Parfois c'est un pan de route qui a basculé dans le vide, parfois un pont qui menace...


Jour 6
Toujours dans le sud, le coin n'est pas terrible, mais au moins c'est calme et désert. Aujourd'hui, virée en vélo à l'intérieur pour faire 4 cols en 100 km. Le début est laborieux, c'est sinistre et abandonné, il fait gris. Nous traversons quelques grosses bourgades (Favara, Nato). Sur la carte ce sont des villages, en réalité il y a 10000 habitants les uns sur les autres, dans un urbanisme hideux et sale. Parfois quelques monuments baroques et des sculptures extraordinaires, mais il faut vraiment chercher... Au retour c'est à nouveau l'aventure, où est notre route ? Heureusement que Mark sait nous guider d'après le soleil, encore des routes fermées, du goudron qui s'étiole et qui finit en chemin de terre, des panneaux indicateurs tellement rouillés qu'ils sont illisibles....  Eprouvante cette sortie !


Jour 7 
Enfin nous sortons nos VTT de leur sac pour une petite balade le long de la côte, c'est bien plus confortable ...

Sciacca

Agrigente
Jour 8 
Soleil radieux, nous sommes maintenant tout au sud de l'île et faisons en vélo la route cotière jusqu'au cap. La route est souvent en corniche, l'itinéraire cyclable totalement balisé, il y a ici des stations balnéraires de bon niveau. Le vent dans le nez à l'aller comme au retour, je suis dans la roue de Mark comme derrière une mobylette.

La marche des Turcs

Jour 10
Après une journée de transition et de visite touristique (Syracuse) : nous voici au pied de l'Etna, motivés pour l'ascension mythique de ce volcan en activité (il s'est encore exprimé début décembre crachant des tonnes de cendres recouvrant maisons et rues). Le sommet est à 3300 m et la route monte en 18 km jusqu'à 1930 m environ, au refuge d'où on atteint facilement, à pied, un ancien cratère. Avant le départ, nous avons identifié 4 routes différentes pour le grimper et nous choisissons la principale. Nous nous approchons du point de départ en voiture et nous garons sur une esplanade avec une fontaine, entre Pedana et Nicolosi, villages qui sont bien plus étendus qu'on ne le pensait ... Aujourd'hui je n'ai pas pris GPS et sur nos vélos nous quittons la voiture avec comme repère une église. Quand nous commençons à monter, nous roulons pendant 10 km sur une minuscule route complètement défoncée, sans aucun cycliste et de très rares voitures, nous suivons les panneaux Etna Sud. Cette route est une décharge à ciel ouvert : nous sommes au milieu des poubelles et des chiens qui éventrent les sacs. La pente est très raide et j'ai bien du mal à trouver du plaisir. A mi-grimpée, le paysage devient plus intéressant avec vue sur le sommet sans neige et le cratère principal qui fume légèrement. Sur la route principale que nous rejoignons, tout est propre et la vue magnifique. Quelques virages, des bâtiments, un peu d'animation et nous arrivons au refuge. Le temps d'un café puis de bien se couvrir  et nous redescendons par une route que nous pensons être la même. Eh bien non : c'est complètement congelés que nous arrivons dans un autre bourg inconnu sans panneau. Nous tournons en rond  à la recherche de notre placette et de notre église, sans succès. Une heure et demie, d'aller retours en allers retours, nous changeons complètement de direction et traversons d'autres quartiers pour enfin, retrouver le "village" du départ, qui n'était pas du tout là où nous pensions être garés !




Jour 11
C'est le dernier jour de l'année et il pleut... Nous passons quelques heures à Taormina en VTT à gravir Castelmola, le BIG du chateau qui domine la ville. C'est hypertouristique, snob et cher, nous fuyons.
Jour 12
Nous traversons l'île pour rejoindre Palerme. Une autoroute relie les deux grandes villes et traverse le centre. L'autoroute, en grande partie sur pilotis, est dans un état déplorable : certaines parties de cet immense pont sont abattues (ou tombées ?), on passe d'un côté à l'autre, rarement sur deux voies, la barrière de péage a été démontée. Il n'y a personne, il fait gris et c'est un paysage agricole très triste bien que vallonné autour d'Enna. Pour égayer notre journée, nous nous garons à une sortie et montons sur nos vélos avec comme objectif 2 cols en aller retour. La carte est imprécise mais nous faisons une erreur et tournons trop tôt sur une minuscule route défoncée qui nous emmène de colline en colline. D'un hameau en ruine surgit parfois un habitant ou un chien ! Nous dépassons un très vieil homme qui marche seul et traîne un respirateur et une bouteille d'oxygène sur un traineau. AUGURI : c'est la nouvelle année ! Au bout de 15 km, les lambeaux de goudron se sont désintégrés, il n'y a plus rien. Demi-tour, nous nous sommes trompés : remonter les côtes, AUGURI à nouveau, quelques sprints pour échapper aux chiens errants et retour sur la grand route. Sur le bon itinéraire, nous trouvons nos deux cols (pas indiqués mais j'ai mon GPS). Les hameaux traversés sont impressionants : même en Thaïlande, c'est plus développé qu'ici ! Quelle décrépitude, tous ces gens qui vivent dans ces maisons glauques et moisies...
Jour 13 
A l'ouest de  Palerme il y a une très jolie côte, une jolie station balnéaire et un port de pêche typique et  surtout un BIG à gravir, pic de 500 m qui domine la ville. Il fait beau et notre moral remonte pour le dernier jour de notre séjour. Nous prenons les VTT pour faire ces 40 km de route vraiment super. Le Monte Pellegrino se grimpe par deux routes, nord ou est. Nous faisons le tour pour monter par le nord mais la route est fermée (encore !) et cette fois-ci sans aucune raison apparente : elle est très récente et en bon état. Alors nous suivons d'autres cyclistes qui passent par un trou dans le grillage. Au sommet, la vue est superbe, nous faisons le lézard là-haut un bon moment, dernier bain de soleil avant le retour vers l'hiver.
La baie de Palerme, très impressionnant quand on arrive par la mer
Jour 14
Nous retrouvons notre ferry pour le retour, sauf que nous n'avons pu obtenir de cabine ni de fauteuil, et la mer est très forte. Un bout de banquette nous accueille pour la traversée, et nous parvenons à dormir entre deux nausées.

* Quelques mots sur les ordures :  il y a un vrai problème dans cette île. Le ramassage et le traitement des ordures est fait par des entreprises qui font vraiment mal leur boulot ! Les routes sont jonchées de déchets. Les magasins distribuent des tonnes de sacs plastique. Les habitants ne font aucun effort pour leur environnement. La plupart des sacs poubelles sont jetés par les fenêtres des voitures. Il faut dire qu'il y a très peu de poubelles et quand il y en a, elles disparaissent sous les tas de sacs éventrés. Par conséquent, les chiens errants pullulent. Où sont passées les subventions européennes pour équiper le pays ?

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