Sky Race de Montgenèvre

Comme beaucoup de monde en France, je cherche la fraîcheur et je l'ai trouvée à Montgenèvre où j'arrive vendredi en début d'après-midi. Je suis là pour la Sky Race de Montgenèvre, mais j'ai d'abord une autre idée derrière la tête : découvrir le nouveau centre balnéo&spa Durancia.
Après avoir retiré mon dossard à la salle municipale et présenté mon sac et son contenu au contrôle, je repars vers le bas de la station : j'ai hâte d'être dans l'eau ! 


Des bains bouillonnants aux jets de massage, du bain des senteurs au hammam, du bain d'eau salée au sauna, j'essaye tout et je termine par quelques longueurs dans la piscine de plein air où il commence à pleuvoir. L'orage n'est pas très violent, quelques grondements et grêlons, mais la pluie tombe dru pendant 3 heures. La température chute tant que je dois partir à la recherche de vêtements plus chauds pour la nuit : mon kangoo n'est pas chauffé dans sa version camping car ! Ma soirée est cosy : un bon repas, un bon matelas, je m'endors avant la nuit et me réveille à 2h30 pour me préparer. 

Une heure avant le départ, je trouve une place pour me garer au centre du village et je fais, défais et refais mon sac pour finalement trouver l'ajustement idéal entre ce que je porte sur moi, ce que je mets dans le sac et ce que je laisse dans la voiture. 

Cette nouvelle Sky Race a attiré mon attention en début d'année quand le parcours inédit a été dévoilé : 93 km, deux sommets à 3100 mètres et une belle série de cols.  Je m'inscris dès janvier (60€ pour une telle distance, qui dit mieux ?) et ma préparation reflète mes états d'âme sportifs de l'année : des hauts (peu) et des bas (beaucoup), surtout des ambitions en chute libre. J'ai de plus en plus de mal à repousser mes limites et à entrer dans le dur, à l'entrainement comme en épreuve, alors forcément... je pars sans aucune pression.

Après un briefing bilingue (il y a beaucoup d'Italiens parmi les concurrents de cette course frontalière), nous partons à 4 heures et nous sommes 284. En quittant Montgenèvre, j'interroge du regard la nuit étoilée, mais aucun sommet ne se laisse deviner. Nous nous trouvons rapidement dans la forêt, puis sur des chemins pierreux. Nous traversons des petits cours d'eau et montons régulièrement en file indienne. Hormis le clic des bâtons, le silence est total dans les rangs serrés. Je lève la tête et regarde les lampes frontales qui forment un long zig zag en hauteur. J'aime ça quand ça monte. Mon souffle est régulier et profond, j'oxygène mes muscles le plus possible.


Je relève la tête, l'aube pointe et on voit maintenant les contours de la montagne, ce que je croyais être le sommet en haut de la guirlande de loupiotes n'est qu'un angle et la cime se profile tellement plus haut. Un coup d’œil à mon altimètre à 2700m, c'est le col du Chaberton. Il fait clair et j'éteins ma lampe. Ici pas d'arbres, paysage minéral et bientôt une couche blanche au sol : ce sont les grêlons tombés hier soir qui ont du mal à fondre.  Je croise le premier, suivi du second concurrent qui redescendent à fond. La montée au sommet se fait en un aller-retour et nous croisons par endroit les plus rapides. La pente est vraiment sévère ici. Depuis un moment, j'entends de la musique et je pense aux gens qui ont passé la nuit là-haut pour nous accueillir. Et, subitement le voilà, c'est le sommet du Charberton (3138 m) avec son plateau arasé pour la construction des 8 tourelles d'artillerie italiennes pour protéger le col de Montgenèvre.

Deux musiciens jouent face à l'océan des sommets, bandonéon et mandoline, et j'ai la chance de voir apparaître le soleil à ce moment précis : il est 6h02. J'ai mis 2 h pour monter 1250 m de D+, pour quelqu'un comme moi c'est pas mal du tout, je ne faisais guère mieux en vélo.

Il y a beaucoup d'effervescence au sommet : des coureurs un peu partout qui admirent ce paysage, deux bénévoles qui nous pointent avec qui j'engage la conversation. Depuis que je fais partie de l'organisation d'un trail (Trail de l'Aigle à Ribiers), je porte un autre regard sur les signaleurs et bénévoles et je ne peux m'empêcher de discuter, questionner et remercier toujours. Ces deux-là ont quelque chose de spécial à raconter à qui veut bien parler avec eux : cette nuit en montant, ils ont vu un loup à la lumière de leur frontale...



Bon, il faut bien s'arracher à ce spectacle grandiose pour affronter la suite : c'est d'abord une descente dans les éboulis mêlés de grêlons, sorte de matière souple et profonde. Ma technique en vaut bien une autre : glisser talons plantés, comme en raquettes dans la poudreuse.  Après le col du Chaberton, la descente est superbe dans les alpages et nous sommes en Italie ! Pendant quelques heures, nous cheminons en balcon, en franchissant parfois un col, toujours sur les faces ouest. Le ciel est voilé nous préservant de la chaleur, je supporte mes 2 tee-shirts et mes manchettes (cadeau aux coureurs : merci elles ont superbes).

A part l'arrêt de 10 mn au sommet, je stoppe très peu, j'ai 2 litres d'eau avec moi et je progresse régulièrement. Au Chalet des Acles, avec seulement 10 mn d'avance sur la barrière horaire, mon arrêt est le plus court possible. Je repars en compagnie : celle des mouches qui ne me quitteront plus. Des nuages de mouches et de taons agressifs qui parviennent à me piquer à travers mon short et mes manchettes. Je m'asperge plusieurs fois d'un anti-moustique pour un court répit. 


Le Mont Chaberton : on voit les tourelles d'artillerie au sommet

Je me réjouis à l'avance de monter ce sentier en zig zag pour arriver au Col Déserte (2650m)

Pendant longtemps, nous dominons Bardonecchia et ses installations hydrauliques, point de départ de circuits mémorables en VTT avec Mark vers les cols à 3000m.

Si j'avance toujours aussi bien en montée, mes descentes sont pénibles, sans souplesse ni rapidité. Quand je dis à Mark qu'il m'arrive de monter plus vite que de descendre, il ne me croit pas, mais aujourd'hui c'est vrai. Après le col des Acles et le suivant, nous sommes à nouveau à 2300 m d'altitude et je ne me lasse pas de prendre des photos et de regarder autour de moi. 



Nous descendons vers le Col (routier) de l'Echelle que je connais bien. Je rencontre ici Raspoutine05 qui est serre-file sur le Mont Thabor. Je lui fais part de mes incertitudes sur ma capacité à passer la barrière horaire car j'ai 11 km à faire en une heure avec deux cols. Il m'assure qu'à la prochaine barrière, j'aurai une possibilité de rapatriement si nécessaire. Dans la montée qui suit le Col de l'Echelle, je rencontre et dépasse plusieurs concurrents mal en point, stoppés par la chaleur et la fatigue. Puis c'est le vallon des Thures, il commence à pleuvoir et le ciel se couvre. Une bergerie, de l'eau où je refais le plein, un petit lac et c'est la descente, sur un sentier adorable  vers les chalets de Vallée Etroite. En face de nous, côté italien, les Rois Mages se détachent dans un ciel d'orage.


J'arrive 10 minutes au-delà du délai maximum autorisé au contrôle et je ne cherche pas à négocier la possibilité de continuer.  Le hasard fait que je suis la 19ème personne à me trouver ici et que la navette-balai contient... 19 places. Ah, en fait j'étais attendue. Nous partons aussitôt pour une heure de route à monter, descendre, tourner... personne n'a été malade, c'est étonnant !

J'ai fait 44km en 10h40, 3000 de dénivelé positif à mon altimètre... 51 % des partants ne sont pas arrivés au bout. J'ai un grand regret, c'est le mont Thabor (3178 m) : c'était le prochain sommet du parcours à gravir, j'aurais vraiment voulu le faire... d'autant plus qu'il est enfin à portée de vue.  
Ce sera pour une autre fois : il reste là et moi j'y suis aussi !

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