No Finish Line 2012 : mon premier 100 km

Je n'ai pas fini d'explorer les sports d'endurance... Après le vélo, puis le triathlon, me voici attirée par les épreuves de longue distance en course à pied : pour quelqu'un qui n'a jamais fait mieux que 4h40 sur marathon, c'est très étrange me direz-vous !
Mais ce sont toujours les mêmes interrogations qui m'amènent vers cette voie : que faire quand on n'est pas rapide pour éviter la compétition tout en se faisant plaisir sur des épreuves d'endurance ? Je continue donc mon tour d'horizon après le vélo -discipline dans laquelle j'ai l'impression d'avoir fait le tour-, le triathlon chronophage et "énergie-phage" qui me laisse la bizarre impression d'être devenue nulle dans mes trois sports, et maintenant la course à pied avec tous ses possibles.

Courir où ?
photo Claude Eyraud
C'est en juillet que je commence à chercher un circuit plat de course à pied qui soit un peu plus sexy qu'un stade, une zone urbaine ou un campus universitaire où sont traditionnellement organisés les courses de 24h (circadiennes dit-on). Le format du 24h me convient bien, je l'ai beaucoup pratiqué en vélo et j'aime les ambiances de nuit... sans dangers.


Ce sera le 24 h du No Finish Line, sans hésitation. Plusieurs points forts. Un cadre extraordinaire que ce port de Monaco : qu'on aime ou pas, un tel site ne laisse pas indifférent. Le mélange des publics et beaucoup de monde : moi j'aime les gens et les épreuves de masse, je suis un "animal social". Sa place dans le calendrier me convient également : en novembre il fait frais, et en plus... c'est mon anniversaire, chouette cadeau ! Enfin, pas trop loin de chez nous, ce qui n'est pas plus mal : évitons d'aller à l'hôtel à Monaco ...
Depuis mon inscription en août, pas beaucoup d'info sur l'organisation, mais j'ai l'assurance de pouvoir garer notre véhicule sur le circuit, c'est essentiel car il sera notre camp de base.


La préparation
Je fais ça très sérieusement. Depuis mon dernier triathlon en octobre, je me consacre exclusivement à la course à pied, sur une base de 5 séances par semaine avec une progression pour atteindre le volume hebdomadaire de 70 km. J'ai bien compris qu'il faut baisser la cadence, la FCM et courir en moyenne à 8km/h en alternant marche et course. J'opte pour le système Cyrano : un peu de marche à chaque kilomètre.
Au petit matin



Le Jour J
Ce vendredi de veille d'épreuve, je quitte Aix où je suis en réunion pour me rendre à Monaco, la route est bien longue... et je suis debout depuis 5h. J'arrive à la nuit et c'est la galère pour trouver l'entrée du quai où sont garés les camping car. Rien n'est indiqué, je me gare deux fois pour aller interroger les coureurs sur le circuit tout proche, j'ai enfin la précieuse info : il faut monter pour pouvoir descendre derrière ... évident mais je n'aurais pas osé. Arrivée sur place, c'est minuscule et je ne ménage pas mes gentillesses auprès des bénévoles déjà bien crevés après 6 jours sur la brèche pour qu'on me trouve la place idéale. J'insiste un peu / beaucoup et on me place enfin à 10 cm du circuit, entre deux camping car, ça rentre au millimètre...

Installation, douche chaude, tour de la ville, tour du circuit. C'est magique ! Avec toutes ces lumières : Hong Kong en miniature. Il fait très doux : 14 ° la nuit et 17 ° le jour... idéal. 
La No Finish Line, c'est 3 publics différents pour 1 objectif caritatif. Le circuit de 1.340 m est tracé le long des quais en AR avec un tapis bippeur à chaque bout. Du samedi 18 novembre au dimanche 25 novembre, pendant 8 jours, les marcheurs, coureurs, chiens, enfants sont invités à payer une puce électronique pour cumuler les kilomètres. Pendant ce temps, il y a aussi 50 inscrits sur le défi des 8 jours : faire le plus de km possible en 8 jours, ce sont eux qui dorment en camping car, en tente ou en Algeco et qui mangent sur place. Ces gens-là sont très impressionnants... : deux d'entre eux finiront avec plus de 1000 km et la première femme avec 833 km. Enfin dernière catégorie, les 24h dont je n'ai toujours pas compris si nous étions 40 ou 73 avec les relais ... qui est classé, qui ne l'est pas, mais ce n'est pas très important. 
Sur le plan caritatif, la fondation recueillera de la part des plus fortunés de la Principauté et des équipes sponsorisées "1€ pour 1 km parcouru" qui seront consacrés à des actions humanitaires pour les enfants défavorisés, en particulier pour des opérations chirurgicales.

Je passe une excellente nuit dans notre Kangoo. A chaque fois que j'ouvre un œil, je vois des ombres passer sur le circuit, ça tourne toute la nuit, j'ai hâte d'y être. Le matin préparation des bidons et autres ravitaillements : ignorant qu'il y aurait un ravitaillement offert avec 3 repas chauds, j'ai tout apporté...

Je cours
Départ à 9h samedi 24 novembre. Court briefing devant une assemblée très cosmopolite : allemands, anglais, italiens et français. Dès le début, je marche à deux endroits précis : le demi-tour du tapis bippeur à l'opposé et la section pavée. Avec les arrêts divers que je multiplie histoire de prendre mon temps, je passe le marathon en  6 heures. Sur le circuit il y a beaucoup de monde, la règle des marcheurs à droite et coureur à gauche est allègrement ignorée : nous sommes en pays latin. Je donne souvent de la voix et une tape amicale sur l'épaule pour éviter les changements d'allure et le slalom. J'écoute beaucoup de musique et hormis quelques mots avec les uns et les autres, je reste dans ma bulle. Belle surprise à 15h30 : j'ai les yeux droit devant mais je sens quelqu'un qui court à mon allure sur ma gauche, je tourne la tête : Mark !!!!!!!!!!!!
Le plan du circuit en rouge  : 1340 m
Avec 4 heures d'avance sur notre rendez-vous, Mark_j'aime_prendre_le_train est déjà là ! Je l'emmène dans ma foulée en lui faisant faire une visite virtuelle du campement et un tour des choses à savoir et à faire, et me voilà à nouveau dans ma bulle. J'avance toujours au même train, environ 7 km/h de moyenne arrêts compris. Je passe les 70 km après 9h45 de course (avant 19h), et j'entre dans l'inconnu puisque je n'ai jamais fait plus long que la SaintéLyon. 
photo Claude Eyraud
C'est à ce moment-là que je décide d'aller voir les kinés, en prévention et pour profiter du service : mais j'aurais du m'abstenir. Deux adorables étudiants de 1ère année, très impressionnés par mes voisins de lit qui sont sur les 8 jours, osent à peine me toucher et me font des caresses de chat sur les mollets... c'est long et je me refroidis. Seul point positif, en libérant mon pied de la compression de mes baskets une énorme ampoule se remplit, elle sera vidée d'un coup d'aspiration sans la déchirer. Quand je repars, je suis bien raide... J'adopte malgré moi cette posture courbée qui tire tant sur le dos. J'ai un peu mal partout, surtout aux muscles du torse et des épaules. 

Je marche
A 22 heures, arrêt soupe chaude et en repartant je constate que je marche plus vite que je ne cours. Jusqu'à minuit, je  marche au rythme de ma sono mondiale, si fort que je pourrais devenir sourde... Je reçois la visite surprise de mon cousin Thomas qui vient en voisin. C'est un milieu inconnu pour lui, Mark et moi lui expliquons tout en marchant pourquoi, comment, et qui fait quoi ici. La soirée va se poursuivre pour lui dans un milieu plus festif : nous sommes entourés de boîtes qui donnent sur le port, ça bouge bien ici le samedi soir même si c'est bourge au possible... évidemment.

Je rame
Avant 1 heure, j'ai fait 98 km et je tiens le cap. Je suis toujours convaincue que je peux marcher comme ça toute la nuit... sauf que les courbatures arrivent et l'acide lactique envahit mes jambes à la vitesse V. Je mets 30 mn pour faire un tour, contre 13 mn en marche rapide... ça devient laborieux et je me refroidis : 4 couches de vêtements, gants et tête couverte.  Mark m'accompagne sur ce fameux tour où je dois lui tenir le bras pour garder l'équilibre : j'ai 2 bouts de bois à la place des jambes et très très mal aux tendons derrière les genoux que je ne peux plus plier. Triste tableau : je pense que ça ne va pas s'arranger au cours des heures qui viennent et plus je m'arrête longtemps plus je refroidis. Je marche à 2 km/h, c'est pas raisonnable.

Vers 2 heures, la pensée que je pourrais bien m'arrêter là me vient naturellement et je la laisse s'installer sans résistance. Encore un dernier tour avec Mark pour m'assurer que j'ai bien dépassé les 100 km (les résultats sont affichés toutes les heures) et finalement je m'arrête à 107 km à 2h30. Ensuite tout s'enchaine facilement : nous rentrons et arrivons à la maison vers 8h du matin.  Là-bas, ça court encore ... pas de regrets.

Et après ?
Aujourd'hui, je marche comme un pingouin et je me hisse avec les bras, mais aucune blessure, c'est là l'essentiel.
Conclusion : avec aucune expérience de ce genre de distance,  je suis partie trop vite. J'aurais mieux fait de commencer par marcher et finir par courir ... comme je l'ai observé autour de moi.
Je reste positive : sur ce circuit sans aucun dénivelé, ma progression était confortable jusqu'à 70 km de course et 90 km de marche + course. C'est pas si nul et ça me laisse plein d'opportunités !

Le "village"

Commentaires

  1. 100 km!!! Incroyable! Bravo Anne! Prochain objectif les 100 km de Millau?

    Denis de Digne

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  2. En effet cela me paraît incroyable à moi aussi. Vraiment chapeau! Et c'est bien raconté...

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  3. Beau récit pour une superbe performance. Bravo pour ton courage, ta ténacité et surtout avoir su t'arrêter sans regrêt.
    Récupère bien maintenant.

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  4. Merci les amis de vos commentaires ! Incroyable ? certainement pas... Il faut toujours tout relativiser : si vous saviez le nombre de gens "incroyables" que j'ai côtoyé tout le week-end, je me sens toute petite avec ma performance, sans fausse modestie mais avec beaucoup d'espoir de faire mieux un jour :-) Anne

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  5. Salut Anne. C'est super ce que tu as fait, vraiment super ... Les jambes dures aprés 100 bornes de bitume, bon, c'est un peu "normal" !!! Bonne récupération
    Une expérience sur 24h me tente bien ...
    Poucet

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  6. Poucet, l'an prochain on s'y retrouve ? C'est vraiment le top ! Biz

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  7. Bravo.......anne.....comme tu dis toi meme......les deux pieds pas souvent sur terre......hihihi....Genial defi que tu as realise.....qui vont en appeler d autres dans votre avenirs avec marc....Comme tous les lecteurs de tes aventures....il y a des sourires de la vie qui reste graver a jamais dans nos memoires....Merci Anne de faire parti pour moi..de ces moments d exceptions... encore super bravo pour cette belle aventure ....

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  8. t'es vraiment une grande malade, mais il est bon de lire tes compte-rendus... Parce que comme parfois tu flanches, tu en parais encore plus humaine.

    Je voulais te dire mon grand respect face à ce que tu accomplis

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