Embrunman : encore raté !

Ce n'était pas mon jour : 2ème tentative à l'Ironman d'Embrun et 2ème échec... Tout avait pourtant bien commencé si je reprends l'histoire depuis le début, car le triathlon se déroule en 4 temps et non pas 3 : l'entraînement étant le plus gros morceau. 

Mon entrainement est sans doute imparfait puisque je le conduis de façon individuelle. Plusieurs raisons à cela : l'éloignement est la première, mon club (Digne Triathlon) s'entraine le soir et j'habite à 50 km de là. Mais je dois dire que j'ai une grande préférence pour la liberté et les entrainements non contraints. Je suis une spécialiste de "l'improvisation organisée" : comme par exemple arriver à un carrefour et hésiter jusqu'au dernier pas (ou dernier tour de roue) si je tourne à droite ou si je tourne à gauche. J'adore quand personne ne sait où je suis et vive le téléphone portable ! Mais il ne faut pas croire que je fais n'importe quoi : tout est soigneusement préparé, calibré, planifié, et j'accompagne cette préparation par une hygiène de vie au top. Cette période d'entrainement, étalée sur 6 mois, représente entre 13h et 17h de sport hebdomadaire et impose de faire du qualitatif autant que du foncier ... Mon impression générale au sortir de cette période était plutôt positive : sans entrer dans les détails et les chiffres, à la veille du jour J, il me semblait être au point.


Retour sur le déroulement de notre séjour embrunais : 
Embrun l'été, c'est l'enfer. C'est un village complètement surpeuplé le 14 et 15 août, paroxysme de l'inconfort dans la zone de triathlon : bruit, chaleur, pas d'espace. Comme sur toutes les épreuves de triathlon, on est obligés d'arriver la veille pour le retrait des dossards, le dépôt du vélo au parc et le briefing. De toutes façons, il y a tellement de bouchons sur ces routes, qu'arriver le matin serait ingérable... Entre la journée d'avant-course stressante et la mauvaise nuit d'avant le départ, c'est pas génial.

Donc nuit au camping cauchemardesque et réveil à 4h20, petit déjeuner "gatosport", Mark me descend en voiture pour être au parc à 5h. Il fait 13°C. Les 1065 concurrents passent les différents contrôles, c'est fluide. Je suis placée avec les femmes du côté des pros, tout près du public. On est vraiment sous les "spotlight" pendant la préparation, il y a des caméras et des journalistes qui tournent ici et là, surtout près des femmes et des pros, c'est tellement plus intéressant ! 
Je suis toujours en train de me marrer...  Il est 7h30, les choses sérieuses commencent !
 Préparer ses affaires, cela veut dire enfiler sa combinaison de natation au-dessus des vêtements de vélo (maillot sans manche et cuissard très fin pour qu'il passe sous la combi sans gêner et pour pouvoir courir avec). Avant cela, beaucoup de triathlètes s'enduisent de crème anti-frottement (la combinaison peut blesser) et de crème solaire (pas besoin, je suis déjà vaccinée). Préparer ses affaires, c'est aussi bien placer ce dont on aura besoin pour la transition 1 natation / vélo  (gants, casque, chaussures, chaussettes, cardio, dossard sur ceinture, ravito perso, etc) et pour la transition 2 vélo/course à pied (baskets, casquettes, ravito). Les arbitres rayés comme des zèbres tournent entre les rangées pour vérifier que les affaires de chacun sont bien rangées : rien ne doit dépasser de sa caisse et de sa chaise... A la transition 1 la combinaison doit être rangée. C'est l'armée !

La veille, nous avons fait le tour du plan d'eau avec Mark pour repérer les bouées (déjà en place) et bien calculer les trajectoires. Les 3,8 km se composent de 2 boucles (sans sortie), il y a 10 bouées jaunes à passer, toujours par la droite. Le jour se lève vers 6h20, donc on nage dans le noir pendant un bon moment. On pourrait penser qu'il suffit de suivre le nageur qui précède mais ce n'est pas si facile : les écarts latéraux sont parfois très larges, les rythmes pas les mêmes, les groupes se font et se défont. Je ne sors la tête pour jeter un coup d’œil que tous les 4 mouvements, et ce coup d’œil est très bref (moins d'une demi-seconde) donc il faut bien viser. Si par malchance les lunettes prennent l'eau ou la buée, c'est foutu.

Nous voici rassemblées sur la petite plage, les femmes et les handisport ont l'avantage de partir à 5h50 c'est à dire 10 mn avant les hommes, et c'est un gros avantage parce c'est calme et on évite ainsi la "machine à laver" : quand 1000 concurrents partent en même temps, ça fait des vagues et les coups pleuvent !

Un speaker fait chauffer l'ambiance, les femmes (52 au départ, soit 5 %) sont réunies sur la petite plage, et c'est le top départ ! Comme d'habitude, j'ai du mal à prendre mon rythme sur les 50 premiers mètres, je cherche mon souffle qui est long à se calmer. C'est dingue, je fais ça toute l'année sans jamais être essoufflée et quand c'est le jour J, c'est l'angoisse : mon rythme cardiaque et ma respiration sont au plus haut. En essayant d'avancer, je me raisonne, je me calme et petit à petit, je mets la tête dans l'eau, je respire d'abord tous les 2 mouvements, puis tous les 3, puis tous les 4 ... ça y est, je suis dans mon rythme. Faire le même mouvement pendant 1h30, avec 1 seul des 5 sens en action, c'est pas du tout marrant. Il faut se distraire tout en  restant concentré (attention à ne pas boire la tasse au moment où on inspire et protéger sa bouche en l'ouvrant grand au creux d'une vague, vers l'épaule) et s'occuper l'esprit... Pendant l'entraînement, j'ai plusieurs trucs : la liste des courses, ou des recettes de cuisine, ou visualiser entièrement ma dernière sortie vélo par exemple, ça c'est un sacré exercice qui m'occupe bien en général !

Bon à Embrun, ma natation s'est plutôt bien passée : je ne me suis pas perdue, je n'ai pas été ramenée dans les rangs par un kayak (comme à Apt où j'avais loupé une bouée), je n'ai jamais été seule et surtout, je n'ai pas pris un seul coup ! Je sors en 1h34, égale à mes temps précédents à 2 minutes près.

Transition en 7 mn, ce qui est un peu au dessus de la moyenne, et je sens bien quelque chose de bizarre avec mon casque dont la sangle m'étrangle mais je ne comprendrais qu'en voyant les photos de Mark : il n'est pas ouvert au maximum donc ma tête n'entre pas et il est posé trop haut, je serai obligée de desserrer la sangle en roulant alors qu'il m'aurait suffit de l'ouvrir à l'arrière... C'est vrai que j'ai l'habitude de m'équiper devant un miroir à la maison ...

Départ avec le vélo à la main jusqu'à la sortie du parc, montée sur le vélo, j'allume mon compteur : il est 7h30, comme l'an dernier, à la minute près. Tous les vêtements sont trempés mais ça va vite sécher. Je ne regretterai pas d'avoir mis mon coupe-vent mais je pars sans manchettes.
On traverse les quartiers résidentiels, ça monte raide tout de suite, mieux vaut avoir bien réglé son dérailleur en plaçant son vélo au parc la veille, le grand plateau c'est pas pour tout de suite ! La première boucle vers Savines est magnifique, on monte deux fois jusqu'à 1200 m environ, les petites côtes se succèdent. Descente large et rapide vers le lac du Serre Ponçon qu'on traverse à Savines, le vent est déjà fort et il est de face. Je modère mon allure sur plat ne voulant pas me "cramer" pour la suite. 

Après Savines, route nationale assez pénible dans la circulation, mais beaucoup d'applaudissement fusent des voitures. Je continue de me faire dépasser par des concurrents, il n'y a plus foule derrière moi, je le sens bien à l'affluence du public qui commence à baisser. Arrivée à Embrun, on prend une magnifique petite route toute en bosses pour déboucher près de Guillestre où les choses sérieuses commencent. Dans les gorges du Guil, je roule toujours à l'économie et j'oublie d'appuyer sur les pédales... Au pied du col de l'Izoard, je regarde l'heure pour la deuxième fois : 11h30. Je commence à faire mes petits calculs : aïe, ça va être juste pour le temps intermédiaire du sommet à 13h10. Je connais très bien ce col, ses 12 km sont redoutables ! Bon j'avance, je double et je me fais doubler, souvent par les mêmes. Le public continue de m'encourager, certains me suivent en vélo ou en voiture. Etre une femme dans cette épreuve déclenche les clameurs. D'autres sont tellement excités que je me sens obligée de leur dire que je vais être hors délais. 
Derrière moi, Marie qui va finir brillamment en se battant pour passer in extremis chaque temps intermédiaire ! quel mental !
Dans une épingle, un arbitre est à l'arrêt (ils sont à moto) et je lui demande en passant le temps intermédiaire : "c'est à 13h10 et il est 12h48". Je suis avant la Casse Déserte, donc là je sais que c'est fini : je ne peux pas faire 4 km en si peu de temps. Je termine le col où 3 arbitres forment un barrage en brandissant  un carton rouge pendant que le personnel de course récupère nos dossards (nous sommes une quinzaine). Ca ne rigole pas, des fois qu'on voudrait forcer la route ! Autour de moi, j'entends des cris et des pleurs, je suis étrangement détachée et j'observe.
Un coup de fil à Mark qui est très étonné de ce que je lui annonce. Oui c'est vrai, l'année dernière j'avais une demi-heure d'avance. Je redescends vers Guillestre et en route un charmant automobilisme me propose de me prendre avec mon vélo jusqu'à Embrun, c'est pas de refus !

Relativisons : si je n'avais pas été stoppée par ce carton rouge, aurais-je passé les temps intermédiaires suivants ? Rien n'est moins sûr compte-tenu du parcours et des 3 méchantes ascensions qui suivent sur les 80 km restants. Et que dire du marathon à courir avec 36 ° sur Embrun en milieu d'après-midi ? Il y a eu 240 abandons, pour la plupart pendant le marathon.

Bilan de tout ceci : j'ai pas le niveau, c'est clair. C'est tout simplement mon petit moteur qui n'aura pas été assez puissant ! Mais je n'ai pas d'inquiétude, je vais bien trouver autre chose à faire :-)




Commentaires

  1. que dire en lisant ton compte-rendu ? Si toi tu n'y arrives pas ben ça doit être dur. En plus je crois me souvenir d'un autre triathlon où tu avais lâché en course à pieds en étant allé encore plus loin.

    Ce que tu fais inspire plus que du respect! Bravo

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    1. Hello Cricri, oui je collectionne les défis hors de ma portée.. mais il va bien falloir que ça s'arrête un jour :-) Bien amicalement

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  2. Coucou Anne!

    J'aime ta façon d'analyser la situation, de rebondir. Déjà, s'aligner sur une telle épreuve, il faut le faire! Sinon j'espère que ton été se passe bien, et qu'on aura l'occasion de faire quelques tours de roues ensemble!
    Bises,

    Denis

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    1. Rebondir : oui c'est exactement ça... un petit tour de vélo à l'heure du dejeuner à Digne, ça te dit ? Bises

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  3. Hello Anne
    Je ne sais pas comment tu fais pour trouver la motivation de participer à une épreuve pareille. Bon, l'objectif t'a permis de t'entraîner dans les 3 disciplines depuis le début de l'année, et finalement l'essentiel n'est-il pas là... Et on te sentait heureuse à lire tes CR de sorties en solitaire, en Ubaye, dans les Alpes Maritimes, dans le Trièves... Enfin en ce qui concerne le 'je n'ai pas le niveau'... A mon sens l'excellence ne réside pas forcément dans la vitesse, la performance chiffrée, le classement; c'est une vision restrictive du sport que nous impose la société, les médias; le sport (comme la vie d'ailleurs) est perçu comme une compétition et la plupart des gens trouvent ça normal - vision qui convient très bien à ceux qui sont des compétiteurs dans l'âme mais d'autres n'y trouvent pas leur place. On peut aussi avoir le courage d'être différent(e); à mon sens l'excellence c'est d'arriver à être heureux dans son sport, bien dans son corps et dans sa tête; même si on va très loin dans le dépassement de soi, les plus belles expériences sportives ne se résument pas à des chiffres. Trouver la joie dans l'effort et non dans le résultat; savoir être son propre juge - ne pas laisser les autres te juger - inventer ses propres défis - communier avec la beauté du monde... Ne pas subir!
    Amicalement

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    1. Chère Sophie, une fois de plus tu as raison, tout est dit dans ces quelques lignes... mais tu sais que j'aime plus que tout la diversité dans l'action, dans les défis, dans les paysages... Subir ? loin de moi cette idée... Vivre à fond : oui !

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  4. Pfffff .... pas facile de "passer" aprés Sophie !!!!
    A te lire, on t'imagine le sourire aux lévres, prete à rebondir ...
    Il y a surement matière à s'éclater sur triathlon, sans forécment passer par l'Embruman.
    Au plaisir de suivre tes prochains défis.
    Poucet

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    1. Hello Poucet : oui les défis ça te connais aussi, hein ? je te souhaite de réussir les gros morceaux qui te restent au programme en 2012 ! Amicalement

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  5. Tu vises très très haut ... L'Embruman est un truc terrible ! Je me sens petite joueuse avec mes défis persos où je suis presque sûre d'aboutir et où aucune barrière horaire ne m'empêche d'exploser la moyenne ... par le dessous :-))
    Bravo à toi de l'avoir affronté et tous mes souhaits de réussite pour tes prochains défis, sorties etc ...

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    1. Brigitte tu es trop modeste ! petite joueuse ne te convient pas du tout ... surtout quand on voit la façon dont tu as progressé ces dernières années : l'expérience paie ! je te souhaite plein de nouveaux défis !

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