DFU 2007 : Version longue !


Le Défi des Fondus de l’Ubaye, version longue !

Ce samedi 30 juin est un grand jour attendu avec impatience. Il constitue un objectif majeur pour 2007 : c’est le Défi de l’Ubaye, épreuve longue distance concoctée savamment par Claude Véran. Par chance, le ciel est dégagé, les prévisions excellentes et c’est une condition essentielle pour réaliser ce défi.
3, 5 ou 7 cols au départ de Barcelonnette en une formule non chronométrée, 330 km pour la version intégrale, 6800 m de dénivelée. L’objectif est noble : les fonds collectés vont à la lutte contre la mucoviscidose, terrible maladie qui atrophie progressivement les muscles et gêne la respiration de ceux qui en sont atteints. « Pédaler pour donner du souffle à ceux qui n’en ont pas » telle est la devise. Barcelonnette accueille plusieurs manifestations, sportives ou non, à l’occasion de cette journée d’action pour aider la recherche médicale.

Mark est à mes côtés, Hugues et Laure Rico, avec qui nous nous retrouvons régulièrement sont de la partie, ainsi que plusieurs têtes connues. Comme le dit si bien Hugues, « le cyclisme ultra est un sport solitaire qui se savoure à plusieurs » et nous sommes un certain nombre à nous retrouver ici et là.

Laure, qui fait si souvent l’assistance de son mari sur de longues épreuves, a aujourd’hui les jambes qui fourmillent. Son profil de grimpeuse et son très bon entraînement doivent lui permettre de relever ce défi.

Mark connaît une période faste où les réussites s’enchaînent même si le RPE, qu’il a fini tant bien que mal en solo, lui laisse un goût de revanche. Igor Casimir est également sur la ligne du départ et partage logis et préparations de dernière minute.

Hugues fait durer le suspense sur sa participation jusqu’au matin du départ : la récupération de la RATA (Race Across The Alps) est longue, et il faut se reconstituer. Il nous propose à tous quatre son assistance. Vu la longueur de l’épreuve et les différences de températures, voilà une proposition qui ne se refuse pas !

A 5 heures dans le silence des rues de Barcelonnette, les cyclistes affluent, nous seront environ 60 sur ce départ matinal. D’autres nous rejoindrons pour la grimpée de la Bonnette.

Pointage, café, clic-cloc des cales dans la salle du marché couvert, briefing de Claude qui nous rappelle qu’au premier découragement il faut penser à ceux qui ne peuvent respirer sans aide. Et top nous voilà partis. Le petit jour pointe, s’équiper en lumière n’est pas utile à cette heure-là. Contrairement à l’an dernier où j’étais partie comme une flèche sur les 23 km de plat descendant vers le lac du Serre Ponçon, je reste prudemment à l’arrière. Je me suis promis de ne pas me laisser influencer par des vitesses qui ne sont pas les miennes et de garder toujours un œil sur mon cardio, seul arbitre qui compte !

n°1 : Pontis 1301 m
Atmosphère fraîche dans la vallée de l’Ubaye, je pédale tranquillement et en bonne compagnie avec Anne Santiago puis Jean-Pierre Reynaud jusqu’à la bifurcation vers Savines ; nous passons le pont où l’Ubaye gonfle le Serre-Ponçon, c’est le point le plus bas du parcours ; quelques kilomètres de plat à l’ombre ; puis un tunnel complètement noir heureusement pas très long, et voici la montée de Pontis qui commence sur la droite. Craignant peu le froid, je suis partie avec le minimum et je rattrape un certain nombre de cyclistes qui enlèvent les jambières et autres coupe-vent dans cette montée où l’on chauffe vite, d’autant plus qu’elle est inondée du soleil matinal. C’est une montée rugueuse avec des épingles impressionnantes, sans doute autour de 14 % à certains endroits. C’est là que j’entends pour la première fois de la journée un cycliste siffleur qui se trouve peu derrière. « Comment peut on siffler en montant ? ». Je m’interroge silencieusement et je ne pourrai me retenir de lui poser la question quelques heures plus tard au sommet de la Bonnette alors qu’il pointe en même temps que Laure et moi : « C’est parce que je m’ennuie ! » répond-il.
Au contrôle après 6 km d’ascension, à 1301 mètres d’altitude, un couple très avenant s’enquiert de nos cartes de pointage et les remplit consciencieusement.

Nous sommes plusieurs à nous pencher sur cette petite table de camping pour accomplir les formalités de pointage et je vois bien que les mouches, déjà, ont une préférence pour moi. Plus tard dans la journée, ce seront des nuages, des paquets entiers de mouches sur mes mains, mes bras, mon visage, des piqûres sur les membres. Elles rendent les ascensions difficilement supportables et avec la chaleur, elles se multiplient. J’en avale d’ailleurs plusieurs au cours de la journée…

La descente du Pontis n’est pas en meilleur état que la montée, d’autant plus qu’il faut franchir un troupeau de moutons et être prudents dans les gravillons. Retour sur la route principale et nous repartons vers le pont du Serre-Ponçon, les kilomètres défilent, les groupes se cherchent pour profiter du plat, je reste à l’écart. Hugues est garé sur le bas-côté, il me donne des indications sur ma position par rapport à Laure.

N°2 : Saint-Jean 1333
J’aime bien la montée vers le col Saint-Jean. D’abord parce que je m’y sens chez moi, j’ai habité tout près quelques temps et nous venons souvent par là, Mark et moi. Mais aussi parce que c’est une montée douce et régulière de 12 km avec une élévation d’environ 500 m. Les cyclistes arborant le maillot de la Vallée de l’Ubaye sont dans ma roue, je monte régulièrement et bientôt les premiers descendent. Un groupe de 7 ou 8 cyclistes d’abord, Mark ensuite et quelques autres visages connus. Sur le DFU, c’est un rituel pour ceux qui, comme moi, sont « dans le peloton » : on guette les premiers à descendre, lesquels sont en général pas peu fiers et abordent un large sourire.

Nous pointons au 2è col à 1333 m avant 8 heures. Laure est en haut, elle a retrouvé son compagnon de l’an dernier Mathieu Lunel qui grimpe à bonne allure. Nous nous regroupons pour la descente vers Barcelonnette. D’abord rapide sur l’excellent revêtement puis la vingtaine de kilomètres vent dans le nez, nous sommes 8 dont 3 filles, je reste prudemment à l’arrière et ne prend pas de relais.

A Barcelonnette, pointage devant la Salle du marché, j’ai 30 mn d’avance sur la feuille de route que Mark a calculé pour moi, je m’accorde une pause pour me ravitailler en aliment liquide et lâcher volontairement le groupe dont je ne veux pas subir l’influence alors que nous allons commencer à monter le col d’Allos.

N°3 : Allos 2247
100 km au compteur et je repars tranquillement vers Allos qui culmine à 2247 m en un peu plus de 17 km de montée. Pris séparément, ces cols me font en général l’effet de monuments et je les appréhende toujours. Mais avoir un tel programme dans la journée permet de relativiser et les obstacles semblent moins impressionnants. C’est l’atout de la longue distance. Ne pas penser à ce qui est loin devant, se fixer régulièrement de courtes étapes à franchir.

Je retrouve Laure dans la montée, elle s’envole rapidement avec son acolyte. Hugues est toujours là et propose aide et ravitaillement. Très peu de nuages sur les sommets, une journée pareille, il n’y en a pas eu depuis un moment à la frontière italienne !

Toujours des saluts joyeux quand je croise ceux qui descendent. La courtoisie est l’apanage de cette épreuve. Mais les bougres ont plusieurs raisons de sourire : ils ont terminé leur effort, se payent une belle récompense avec la descente, sont contents de voir qu’il en a qui sont derrière (c’est bon pour l’ego, quoi qu’on en dise), et heureux de saluer et d’encourager les filles !

Le col d’Allos est en corniche dans une partie roulante assez longue et bénéficie d’une belle vue sur la vallée du Bachelard où nous serons tout à l’heure pour monter le col de Cayolle. Les derniers kilomètres sont tortueux, on s’élève doucement, à l’approche du chalet-auberge, même si on ne voit pas le sommet, on sait que le soulagement est proche ! Toujours des échanges aimables avec les contrôleurs et je redescends avec Laure.

A Uvernet, nous nous arrêtons au village où un grand ravitaillement est installé sous tente. Les fontaines sont généreuses, l’ambiance toujours sympathique.

N°4 : Cayolle 2326
Départ vers Cayolle dont j’appréhende toujours les 25 km de montée. La vallée est très belle, les éboulements rocheux sur la droite du Bachelard sont absolument impressionnants. On dirait qu’ils se sont produits hier : des blocs de la taille d’un 38 tonnes sont en équilibre instable, les éboulis ont tout dévasté en dessous, des arbres arrachés la tête en bas sont encore verts. Il faudra que Claude Véran, qui est aussi spécialiste de la faune et de la flore des Alpes du Sud, m’explique de quand datent les derniers chamboulements de cette rive du Bachelard. Le parcours est sinueux en faux plat montant. C’est un endroit absolument magnifique qu’on ne peut apprécier pleinement qu’à vélo : il est impossible de s’y arrêter en voiture et il n’y a pas de place pour les piétons.

J’ai de mauvais souvenirs dans la Cayolle : j’en ai abandonné la montée une fois l’an dernier et j’étais désespérée dès la mi-pente dans le DFU 2006 où j’ai fini tant bien que mal ! Mais cette année, ça va mieux ! Je croise Mark qui descend alors que je commence à peine la montée. Au replat du village du Villard d’Abas, à 1500 m, je ne manque jamais de m’arrêter à la fontaine. Avenante et pédagogue, je renseigne les personnes attablées à la terrasse de l’auberge qui me demandent la nature de l’épreuve (nous avons des plaques sur nos cadres et nous sommes facilement identifiables). Hugues me prévient qu’il part sur la Bonnette rejoindre Mark pour voir s’il a besoin de quelque chose. C’est pas simple d’avoir 4 cyclistes à s’occuper surtout quand il ne sont pas ensembles et il n’a pas fini ! Mais il semble y prendre du plaisir et connaît les mots d’encouragement qui touchent droit au but.

Au sommet de la Cayolle, à 2326 m, je suis super contente. Toujours en avance de plus de 30 mn sur ma feuille de route, je pointe et prend mon temps pour échanger avec les deux bénévoles. Même si on a un œil sur le chrono, donner un peu de son temps à ces personnes qui sacrifient leur journée à nous attendre est la moindre des choses. J’imagine leur frustration quand après une longue attente, un cycliste essouffl et grognon ne leur accorde même pas un regard. Il faut dire aussi que recevoir des compliments et des encouragements fait toujours plaisir. On me propose de poser avec mon vélo et de m’envoyer la photo par e-mail, promesse tenue quelque jours après, excellent souvenir.

Longue descente sur Barcelonnette : autant la descente est un plaisir quand les articulations sont souples, mais au bout d’un moment tout se contracte, la concentration est intense, vivement qu’on soit en bas !

Zéro faute ?
A Barcelonnette, je vois Laure déjà attablée dans la salle du marché. A peine entrée, je perçois une atmosphère étrange, un silence presque religieux, scandé par une voix qui décortique les phrases d’un texte savant… Je suis incrédule : sous mes yeux se déroule une dictée à l’ancienne dans la salle où nous arrivons pour manger. Claude m’apprend qu’il s’agit d’une très sérieuse dictée organisée dans le cadre des manifestations caritatives. Une bonne vingtaine de personnes sont à des tables d’écolier et s’appliquent. C’est surréaliste ! Avant d’aller vers le bar me faire servir à manger, j’enlève mes chaussures dont le clic-cloc serait incongru.

Le repas est rapide, Laure et moi hésitons beaucoup sur ce que nous devons ou ne devons pas manger. L’estomac est sensible à ce stade de l’effort. Nous repartons sans trop tarder après un sandwich et un gâteau de riz.

N° 5 : Bonnette 2802
Voici Jausiers, court arrêt dans notre véhicule parqué à l’angle pour laisser filer devant mes compagnons et j’attaque cette Bonnette que j’ai déjà monté une fois cette année. 25 km pour atteindre 2802 m sur la route de la cime, plus haute route d’Europe. J’appréhende toujours le début qui n’est pas particulièrement beau. J’ai très chaud, il est 17 heures et toujours ces foutues mouches ! Je cherche la motivation et ne la trouve pas pendant les 10 premiers kilomètres. De mauvaises pensées me tournent dans la tête, je broie du noir, je m’arrête deux fois à l’ombre… et après un virage je vois Laure prise de nausées assise sur le fameux pliant, adossée au Berlingo, Hugues aux petits soins. Nous repartons laborieusement, nous roulons longtemps côte à côte. Notre progression n’est pas des plus rapides et Hugues n’est jamais loin, toujours avec des mots de réconfort et des conseils judicieux. La nausée, il en connaît un rayon ! Il nous donne des repères : le verrou rocheux, le lac, autant d’étapes qui nous mènent vers les premiers baraquements militaires. La fin n’est pas loin et cette perspective nous redonne la pêche. Les derniers kilomètres de faux plat se font dans la souplesse, presque avec allégresse. Il n’empêche que cette foutue cime de la Bonnette se mérite, moins d’un kilomètre à 13 %, ça fait mal aux jambes. Le paysage environnant est à couper le souffle, la vue est à 360 ° pendant la montée, le contournement et le sommet. Nous surplombons les massifs entiers, tachetés de soleil sous un ciel perturbé, toujours dramatique à cette altitude. Les contrôleurs au sommet sont bien courageux de passer des heures ici mais ils ont de la compagnie pour le moment.

Là il faut bien s’habiller car il est bientôt 20 heures et la température va chuter. La descente est menée à fond de train, un vrai plaisir de glisse. Pourtant la route est truffée de pièges et de bosses que je commence à bien connaître mais je me sens des ailes. A Jausiers, pause sandwich dans le véhicule et on repart sur la droite vers le col de Vars.

N°6 : Vars 2109
7 km de vallée de l’Ubaye, maintenant bien fraîche et la nuit tombe doucement alors que nous abordons les premiers kilomètres de faux plat montant vers le col. Equipement en lumières, nous sommes parées pour la nuit. L’allure est vive et la nuit devient noire. Je suis toujours plus à l’aise dans la nuit : on ne voit pas les difficultés, les sensations sont différentes. Une voiture approche à l’arrière, s’arrête à hauteur d’Hugues, repart, et nous dépasse en klaxonnant. C’est Claude Véran qui nous prend en photo. Mark (qui a fini le parcours en 14h18) est arrivé avec lui et nous voici tous les quatre dans les lacets de Vars avec Claude en reporter photographe ! Cet instant est magique : deux femmes roulent dans la nuit avec leur mari qui les suit en voiture. Pas banal !

Etonnamment, la montée de Vars se passe très bien, malgré ses pentes à 10 %. La lune est pleine et le ciel voilé nous donne à voir une luminosité extraordinaire. Les reliefs sont baignés dans cette lumière pâle qui semble irréelle. « Vaut le voyage » comme dit Michelin. Nous arrivons bientôt au sommet (2110 m). Lionel Marin est là, transi malgré son très bon équipement. Il descend avec nous jusqu’à ce que sa femme Pascale, qui a déjà fini les 7 (pour la seconde année consécutive), le rejoigne en voiture. Ce couple de triathlètes est vraiment sympathique et Pascale est impressionnante !

N°7 : Sainte-Anne ?
La descente est grandiose dans le noir, les phares de la voiture nous éclairent suffisamment pour que notre vitesse soit normale. Nous filons rapidement jusqu’à La Condamine-Châtelard. Dans le village à droite, il faut prendre le petit raidillon vers la station de Sainte-Anne. C’est ce que j’appelle une petite M… Je l’avais reconnue l’an dernier sous le cagnard, malheureusement la nuit n’en atténue pas la difficulté. Les premiers kilomètres en épingle sont très difficiles. Je suis debout sur mes pédales, je plafonne à 6 km/h. C’est ce que Laure appelle « un coup de moins bien ». Galère. Début du village, on se croit arrivées mais je vois les phares de la voiture de Pascale Marin tout là-haut, encore au moins 2 kilomètres.

L’euphorie n’est pas encore là mais je commence à penser à la fin, chose que je m’étais interdite jusqu’à présent. Derniers raidillons, je me retourne et j’interpelle Laure : « Alors, Grand Maître, ça va ?». Le contrôleur est seul assis derrière sa petite table de camping, studieux avec sa lampe frontale et ses listes de candidats.

C’est fini ! J’ai du mal à y croire. Je suis un peu sonnée mais je ressens la joie de Mark et sa fierté, on ressent souvent mieux les choses à travers l’expression des gens qu’on aime. Hugues est aussi très heureux et fier de Laure.

Dernière descente prudente. Nous encourageons tous ceux que nous croisons et c’est vraiment sincère ! Claude a repris son véhicule pour éclairer le dernier cycliste dans la montée, il a mis la musique à fond. Le retour vers Barcelonnette est mené à vitesse TGV. Arrivée triomphale à Barcelonnette, non pas que la foule nous acclame mais c’est vraiment un moment fort. Igor Casimir est là, il a bouclé les 7 il y a quelques heures déjà. Il est 1h30 du matin. Ca fait un peu moins de 20 heures qu’on roule et je n’ai jamais rien fait d’aussi difficile en vélo ! Ce qui fait avancer ? C’est la fierté d’être là et d’être capable de le faire, mais aussi la beauté des paysages, la gentillesse de tous ces gens qu’on rencontre, cyclistes ou organisateurs, et aussi la pensée qu’il y a des gens qui n’ont pas ma chance. Donc nous tous, on roule un peu pour eux au DFU !
Alors Claude, l’an prochain, il paraît qu’on en fera 10 ?
Anne

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